10. Un cas d'étude : le design du running
Voir la localisation sur le planLe monde du sport connait un âge d’or de l’innovation. Il s’agit de trouver pour chaque sport la bonne formule qui permettra d’aller toujours plus vite, plus loin, plus haut. Chaque marque développe ses modèles de running, proposant constamment de nouvelles solutions, mettant l’accent sur le confort, l’amorti, le poids, la propulsion. Le coureur est au centre de ces questionnements : il faut connaître son type de foulée (universelle, pronatrice ou supinatrice), sa morphologie, son poids, afin de créer une chaussure adaptée. De nettes tendances se dégagent dans cette course aux innovations. Nike, dès sa création, se distingue de ses concurrents avec le succès de la Oregon Waffl e lancée en 1973, équipée de la fameuse semelle imaginée dans un moule à gaufre, d’où son nom. En la déclinant sur plusieurs modèles, Nike écoule plus de 270 millions de waffle shoes en moins de dix ans. À la fin des années 1970, New Balance est la première marque à proposer différentes largeurs de pied, afin de s’adapter à toutes les morphologies. À l’occasion des JO de Los Angeles en 1984, Adidas innove en mettant au point la LA Trainer, permettant d’ajuster l’amorti de la semelle par un système de chevilles intégrées. Asics avec la technologie GEL, Reebok avec DMX ou encore Saucony avec le système Grid, toutes les marques rivalisent avec leurs technologies, promues à coup de campagnes publicitaires choc. Si la légèreté et la sensation de courir pieds nus ont toujours été au coeur des recherches technologiques, le début des années 2000 est marqué par la tendance du « barefoot running » qui met en avant la course à pied sans amorti. Nike propose alors la Free 3.0 en 2002, puis Vibram sort la Five Fingers, qui, tel un gant, permet d’être au plus près du sol et de retrouver une foulée naturelle. Ces nouvelles chaussures, bien que validées par de nombreux scientifiques et athlètes, occasionnent des blessures et Nike se voit contraint de revoir son amorti, pour proposer en 2004 la Nike Free 5.0. Avec l’apparition ces dernières années de nouvelles marques comme ON et l’utilisation de nouvelles technologies comme l’impression 3D, la chaussure de running poursuit sa métamorphose avec chaque année de nouveaux records sur le tarmac : there is no finish line.
"Un cas d'étude : le design du running" - Exposition Playground - Le design des sneakers, 2020
© Alastair Philip Wiper
ON, depuis 2010
C’est la passion pour la course à pieds qui réunit le double champion du monde de duathlon longue distance Olivier Bernhard et ses amis David Allemann et Caspar Coppetti. Olivier Bernhard se lance dans la quête d’une chaussure de course qui lui apporterait le parfait équilibre. Il rencontre un ingénieur suisse poursuivant le même objectif et qui possède déjà quelques idées qui permettraient de changer la sensation durant la course. Des dizaines de prototypes sont développés mais le concept de base, un amorti tout en douceur et une poussée dynamique, est le fil conducteur de la création.
La marque ON est née en 2010, à Zurich, avec l’objectif de développer une gamme de produits entièrement conçus en Suisse et utilisant les dernières technologies disponibles. En février de cette année, les prototypes des chaussures remportent le prix ISPO Brand New, l’un des prix les plus prisés en matière d’innovation dans l’industrie du sport.
En 2014, la marque présente la Cloud, premier modèle équipé de la technologie brevetée CloudTec conçue pour offrir un atterrissage en douceur et une poussée dynamique, tout en garantissant un poids léger. La semelle extérieure est composée de coussinets en caoutchouc creux, comme des nuages (d’où le nom Cloud) placés stratégiquement sous le pied. Cette chaussure remporte de nombreux prix d’excellence et la marque connaît rapidement un succès dans le monde du sport, notamment grâce à la médaille d’argent remportée par Nicola Spirig lors du triathlon femmes aux JO de Rio en 2016. En 2018, Matt Hanson, sponsorisé par ON, bat le record du monde d’Ironman avec un temps de 7h39’25 aux Championnats d’Amérique du Nord.
La marque se diversifie et multiplie les innovations : mousse ultralégère baptisée Zero-Gravity, caoutchouc Rebound Rubber très résistant qui contribue au retour d’énergie, semelle MissionGrip tout terrain conçue pour le trail…
CLOUD HI EDGE, ON, 2019
ON
© madd-bordeaux
New Balance, depuis 1906
« A different shoe for every runner » : voilà la promesse de New Balance, qui se distingue de ses concurrents en proposant des modèles qui, par leurs formes et leurs coloris, semblent quasiment semblables. La numérotation est là pour guider l’acheteur. Les deux premiers chiffres font référence au niveau de performance globale. Plus le nombre est élevé, plus la qualité, le niveau technologique et le prix le seront. Les deux derniers chiffres indiquent les spécificités de la chaussure :
- 40s Optimal control : contrôle, stabilité, amorti et soutien adaptés à la pronation.
- 50s Athletic running : pour les entraînements sur route ou en salle.
- 60s Stability : stabilité afin de réduire la pronation, tout en assurant amorti et confort.
- 70s Light Stability : stabilité et vitesse, pour les coureurs ayant une allure rapide.
- 80s Neutral : pour les longues distances, chaussures légères avec un amorti important.
- 90s Speed : chaussures légères pour les coureurs plus rapides.
- 00s Competition : chaussures offrant performance et vitesse.
X900, New Balance, 1990
Collection Richie Roxas
© madd-bordeaux
New Balance
La technologie ENCAP, depuis 1985
Brevetée par Kenneth W. Graham, Edward J. Norton, Shuhei Kurata
La technologie ENCAP est un système d’amorti qui se situe au niveau de la partie arrière du pied, dans la semelle intermédiaire. Elle est composée d’une structure résistante en polyuréthane qui épouse la forme du talon et accueille, en son centre, une semelle en mousse EVA. La combinaison de ces deux éléments assure l’absorption et la dispersion des chocs à chaque foulée. La technologie est introduite pour la première fois sur la New Balance 1300. Déclinée sur un grand nombre de modèles, elle est toujours utilisée aujourd’hui.
1000, New Balance, 1999
Collection Samuel Pearce
Asics
La technologie GEL, 1986
La technologie GEL consiste en deux patches de silicone insérés dans la semelle intermédiaire de la chaussure, l’un situé sous le talon, l’autre sous l’avant du pied. Leur position, leur volume et leur densité varient selon la technicité du modèle et les besoins de la pratique sportive. Le gel en silicone réduit les impacts au moment de l’attaque du talon et améliore l’absorption des chocs lors des mouvements vers l’avant, permettant une transition fluide. Toujours employée aujourd’hui par la marque japonaise, la technologie GEL a été déclinée sur un grand nombre de modèles.
Adidas
Ligne Equipment (EQT), depuis 1991
Adidas se tourne vers Peter Moore et Rob Strasser, deux anciens de chez Nike, afin de créer une nouvelle ligne de chaussures axée sur l’athlète et sur ses besoins, s’inscrivant ainsi dans la descendance d’Adi Dassler. Ils dessinent un modèle multisports, dont le design n’intègre que l’essentiel. Elle offre un maintien du pied par l’ajout de trois bandes flexibles, disposées de part et d’autre de la chaussure et le nouveau système Torsion, mis au point en 1988. Dès 1993, la marque lance d’autres versions de ce modèle, parmi lesquelles l’EQT Guidance et l’EQT Support, qui remportent un franc succès. En 2004, Adidas décide de donner un nouveau souffle à EQT et Nic Galway, à qui l’on doit la Yeezy Boost et la NMD, présente une nouvelle gamme taillée pour la ville. La simplicité de la paire originale est conservée sur les dernières déclinaisons, qui se succèdent depuis 2012 et Adidas y greffe ses technologies de pointe comme Boost et Primeknit.
EQT Support, design Peter Moore et Rob Strasser, Adidas, 1990 (exemplaire retro de 2005)
Collection Jacques Chassaing
© madd-bordeaux
Adidas
La technologie Torsion, 1988
Une pièce en thermoplastique souple, placée dans la semelle, permet d’articuler l’avant et l’arrière de la chaussure de façon indépendante, pour retrouver un mouvement le plus libre et naturel possible. La chaussure s’adapte parfaitement aux différentes surfaces et convient ainsi à de nombreux sports : elle soutient la voûte plantaire des coureurs, offre un renfort latéral aux joueurs de tennis et une stabilité idéale aux amateurs de basketball.
Reebok
La technologie DMX, depuis 1997
Brevetée par Paul E. Litchfield, Matthew J. Montross, Steven F. Smith, J. Spencer White, Alexander W. Jessiman
La technologie DMX (pour Dynamic Motion X) consiste en une semelle constituée de plusieurs capsules d’air : cinq sous la partie avant du pied et cinq sous le talon, reliées entre elle par un canal central. Lorsque le coureur est en action, l’air circule de l’avant à l’arrière de la semelle, selon la pression exercée. À la différence du système Air de Nike avec ses capsules indépendantes, la technologie DMX utilise la circulation de l’air pour permettre un meilleur équilibre entre stabilité, amorti et retour d’énergie.
DMX Run 10, Reebok, 1997
Archives Reebok
© madd-bordeaux
Nike
ZoomX Vaporfly 4%, Nike, 2019
Aux pieds des plus grands coureurs comme le Kényan Eliud Kipchoge, elle a pulvérisé tous les records au point de faire scandale : dix-sept sportifs ont porté plainte auprès de l’IAAF (Fédération Internationale d’Athlétisme) pour « dopage technologique », constatant que les athlètes qui les portent, courent les marathons à une vitesse supérieure de 4 à 5 %. Le secret de la Nike ZoomX Vaporfly 4% réside dans sa semelle intermédiaire constituée d’une mousse souple et réactive baptisée ZoomX, dérivée d’un matériau utilisé dans le domaine aérospatial, et d’une plaque en fibre de carbone qui fait l’objet de toutes les interrogations. Insérée sur toute la longueur de la chaussure, elle garantit la stabilité selon Nike, et évite « une perte d’énergie lors du fléchissement de la pointe ». La combinaison des deux matériaux offre un amorti optimal et un retour d’énergie puissant. Décalés légèrement sur le côté, les lacets permettent de réduire la pression sur le cou-de-pied.
ZoomX Vaporfly 4%, Nike, 2019
Collection Jérémy Wachter
© madd-bordeaux